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  • Tariq Ashraf
  • Quelques bons mots, un peu d'humour (Anglais), beaucoup de Business (Une deuxième religion), des TMT... somme toute, le regard d'un simple Citoyen (Au sens de la Grèce antique) sur notre société.

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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 22:04

Skype, le service de téléphonie Internet d'eBay a lancé il y a peu, une application pour l'iPhone, sonnant la charge du 'mobile'. Ce faisant, Skype aborde une phase cruciale de son business plan.

 

Skype permet des appels gratuits entre utilisateurs du service, et des appels payants à moindre cout vers les numéros de téléphone fixe et mobiles, et ce grâce à la Voix sur IP (VoIP).

 

La croissance fulgurante du nombre d'abonnés tient en premier lieu à son marché américain, où les appels longue distance (hors de l'état de résidence) ont toujours été d'un cout très élevé, et où Skype a pu permettre des appels moins chers, voire gratuits (les fameux 'Free long-distance calls')

 

Cependant le concept de gratuité dans le cas de Skype Mobile est un concept somme toute assez relatif, ne serait-ce que parce que l'opérateur AT&T -qui détient l'exclusivité de l'iPhone aux Etats Unis- ne permet pas l'utilisation de la VoIP sur son réseau mobile (comme la plupart des opérateurs, en Allemagne et en France notamment).

 

Ainsi les clients 'iPhone' de l'opérateur qui dépensent 70 dollars par mois pour leur abonnement, vont devoir utiliser Skype via le WiFi… de même il faudra être connecté afin de recevoir des notifications d'appels via l'application: ce qui rajoute tout de même certaines contraintes à l'utilisation du service, ne serait-ce qu'un fil à la patte…

 

The numbers just don't add up

 

Le modèle et les chiffres de Skype me sont toujours apparus comme quelque peu… curieux.

Ne vous méprenez pas, le service est de grande qualité, même si je ne l'utilise que peu j'avoue.

En 2005 eBay a payé 3,1 milliards de dollars pour Skype, en grande partie pour la marque, et pour le 'first-mover advantage'.

-          Skype reste très populaire et sa croissance est fulgurante, avec 350 000 nouveaux utilisateurs…par jour.

-          En 2008 8% des appels internationaux aux Etats-Unis ont été effectués par le biais de l'application, ce qui fait de Skype le premier opérateur de trafic international aux Etats-Unis. (Source: TeleGeography)

 

 

Paradoxalement plus le service devient populaire, moins il est nécessaire de payer pour les appels, ceux-ci étant gratuits entre utilisateurs du service.

Malgré la base installée de 405 millions d'utilisateurs à fin 2008, peu sont enclins à sortir leur porte monnaie: l'ARPU (Average Revenue Per User) moyen n'est que de 1,35 dollar par…an.

 

ebay veut doubler les revenus à 1 milliard de dollars en 2011, ce qui parait très ambitieux…même si la marge brute est de 20%. La récente offensive de Skype sur le marché entreprise (intégration avec les PBX via le Session Initiation Protocol ou SIP, ouverture open source du codec audio 'maison' nommé SILK) répond à cette recherche de valeur.


Héritier du modèle internet, il y a fort à parier qu'une fois sa popularité assurée, Skype ne trouve que des revenus 'indirects': valorisation de sa base clients (publicité, partenariats), Facturation du logiciel plutôt que de son usage (upgrades, solutions premium)…


Avec le risque de perdre de son attractivité alors que la VoIP se banalise et que les géants Google (Google Voice notamment) et Microsoft forts de leur base clients ne se lancent dans un véritable Blitzkrieg.

 

Beggars cannot be Chosers

 

Il ne semble d'ailleurs que les nouveaux produits de la firme ne soient qu'une tentative d'embellir la mariée: dès que les conditions de marché s'amélioreront, Skype ferait "un très bon business indépendant" selon le PDG d'eBay, John Donahoe.

 

Selon le Wall Street Journal, Les fondateurs de la startup, Niklas Zennstorm et Janus Friis seraient en négociation avec des firmes de Private Equity (KKR, Warburg Pincus, Providence Equity Partners & Elevation Partners) pour lever  des fonds en vue de racheter Skype à eBay.

Le prix proposé serait d'un milliard de dollars, contre un prix de vente attendu par eBay d'1,7 millard…

 

En réalité les options d'eBay sont limitées, Skype et la firme Joltid, (Société contrôlée par Messieurs…Friis et Zennstrom) sont engagés dans une véritable bataille judiciaire: lors du rachat de Skype, le PDG d'eBay de l'époque, Meg Whitman a permis aux fondateurs de garder la propriété et l'usage de la technologie qui est au cœur du fonctionnement du service… ces derniers estiment qu'eBay/Skype les empêche de mettre en œuvre cette clause du contrat.

 

Le tribunal tranchera sur le périmètre et les modalités d'exercice de cet accord, mais de fait, eBay a les mains liées comme communiqué à la SEC: "Although Skype is confident of its legal position, as with any litigation there is the possibility of an adverse result if the matter is not resolved through negotiation. In such event, Skype would be adversely affected and the continued operation of Skype’s business as currently conducted would likely not be possible"

 

La neutralité somme toute, c'est assez surfait ma bonne dame…

 

Les opérateurs US quand à eux; répondent à cette menace en lançant les forfaits illimités ('All you can eat'), certes très chers, le but étant de limiter l'attrait du service, qu'il soit mobile ou non. Il s'agit toutefois d'une bataille d'arrière-garde quand on sait à quel point la facturation des appels longue-distance sur le fixe est disproportionnée au regard de la capacité des réseaux de données depuis le déploiement massif des années 2000.

 

Le lancement de Skype Mobile a relancé le débat sur la Mobile Neutrality ou Wireless Neutrality: comme sur Internet (Net Neutrality) la question est de savoir si les opérateurs telecoms ont le droit de restreindre les usages mobiles sur leur réseau.

 

Le régulateur Américain des Telecoms et des Media (FCC) a -jusqu'ici- défendu la Net Neutrality: les fournisseurs d'accès internet ne peuvent restreindre ou tarifer différemment l'accès à des sites web qui sont forts consommateurs de bande passante comme les YouTube ou autres Hulu par exemple. Les usages comme pour le Peer-to-Peer eux, peuvent être restreints.


L'argument des opérateurs sur le sujet est que ces sites leur coutent une fortune en capacité réseau en accaparant la bande passante et qu'ils doivent maintenir la qualité de service pour l'ensemble des utilisateurs… ce qui nécessiterait d'ajouter des capacités réseau, dépenses auxquelles ni les sites comme Youtube, ni les utilisateurs ne contribuent.

 

Pour les réseaux mobiles, le raisonnement est quelque peu différent, il existe en effet plusieurs types de limitations, notamment en ce qui concerne l'augmentation de bande passante.

-          En termes techniques pour le RAN (Radio Access Network): le nombre de stations de base (antennes).

-          En termes de négociation commerciale: nombre de sites accueillant les stations de base.

-          En termes de régulation: disponibilité des fréquences radio.

 

 

Pour résumer, non seulement les coûts d'exploitation des réseaux radio et des réseaux terrestres sont sans commune mesure, mais les investissements sur les réseaux radio, notamment en data, sont encore trop récents pour pouvoir légitimement les considérer comme totalement amortis. Les antennes ne sont pas prêtes de subir le même sort que la "mine de cuivre".

 

Dans tes rêves…

 

La Net Neutrality ne peut se transposer telle quelle au mobile…  en termes économiques simples, un opérateur ne peut mettre en danger son cœur d'activité en ouvrant son réseau à tous les types d'usages, et ce sans plafonnement dans le cadre des usages qui sont autorisés (le régulateur et les autorités de la concurrence étant en position d'éviter les abus dans le domaine).


D'ailleurs, il y a fort à parier qu'une ouverture inconsidérée des réseaux data mobiles (GPRS, 3G) à une application aussi gourmande en bande passante, que la  VoIP engorgerait rapidement le réseau et ne satisferait personne. A l'instar du P2P, les opérateurs peuvent donc s'appuyer sur ce double argument technique et économique afin de ne pas ouvrir leurs tuyaux à ce type d'usage.

 

Au-delà de l'interdiction d'utilisation de la VoIP (et du Peer-to-Peer) sur les réseaux mobiles évoqués précédemment, des opérateurs comme Deutsche Telekom envisagent le blocage pur et simple de l'application sur les iPhones qu'ils vendent.

 

Si on peut comprendre la logique d'une telle décision, il est difficile de justifier la stratégie qui consiste à enfermer ses clients dans un enclos (Wall Garden) qui l'oblige à utiliser les services de l'opérateur…

 

Verizon Wireless l'a d'ailleurs appris à ses dépens, l'opérateur a été condamné l'année dernière par la Justice américaine: il avait désactivé les fonctionnalités radio Bluetooth des téléphones qu'il vendait, et ce sans le mentionner à ses clients, le but étant d'empêcher l'envoi de fichiers à d'autres terminaux par ce biais et d'obliger les clients à utiliser les services payants de l'opérateur (MMS ou service de partage 'maison')…

 

Pour autant, l'arrivée de cette application, combinée avec la profusion croissante de hotspots WiFi en zone urbaine dense (souvent gratuits, parfois de l'initiative même des opérateurs via leurs "box") constitue une réelle menace pour les revenus de la voix, cette 'vache à lait' des opérateurs. Si elle venait à se démocratiser, le manque patent de lisibilité et de légitimité du coût de la voix sur mobile face à cette solution risquerait de remettre en cause la sacro-sainte tarification différentiée voix-data.

 

Cela pourrait constituer le signe annonciateur de la convergence si longtemps prophétisée…

 

If You Build It, They Will Come…then what?

 

Skype et ses futurs propriétaires devront gérer la transition vers un nouveau modèle… empreint de rentabilité, que cela soit pour la fourniture d'un service seul ou d'un service packagé.

Quoi qu'il en soit, je n'en démords pas: la seule gratuité est un point de départ douteux pour un nouveau business… particulièrement dans les Telecoms.


Vincent Bouder
Tariq Ashraf (@TariqAshraf)

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